Contribution de l’association « Sprochpolitik-Langue Alsacienne »
aux Assises du bilinguisme du 28 juin 2022 (CEA°
www.sprochpolitik.org
L’Association « Sprochpolitik-Langue Alsacienne » a pour ambition de faire des recommandations de politique linguistique en s’appuyant sur un inventaire des meilleures pratiques observées dans d’autres territoires de France, d’Europe et du Monde. Dans ce contexte, l’association entretient des liens périodiques avec les représentants des offices publics de la langue basque et de la langue bretonne, le service de la langue corse de la Collectivité Corse ou encore celui de la langue française du Nouveau Brunswick, province canadienne exemplaire en matière de visibilité de la langue et signalétique bilingue respectant le principe « taille, style et police » de caractères identiques entre les deux langues du territoire.
Le président de « Sprochpolitik-Langue Alsacienne » couvre depuis 20 ans divers comités d’experts onusiens relatifs aux droits linguistiques ou à la préservation des langues minoritaires ou autochtones, qui sont des plateformes de partage des meilleures pratiques mondiales en matière de préservation et de promotion des langues autochtones, régionales ou minoritaires. A ce titre, il a été invité à faire des recommandations à un groupe de travail conjoint « CG67-CG68 » du 25 mars 2019, qui sont à l’origine de plusieurs évolutions ou réflexions, dont la transformation du service langue régionale en Direction et du projet d’Office publique de la langue alsacienne (OPLA) ou office publique de l’allemand d’alsace (OPAA), pour ne pas heurter certaines rigidités.
Fort de ces exemples et expériences, l’association « Sprochpolitik-Langue alsacienne » a le plaisir de soumettre plusieurs commentaires relatifs aux différents sujets abordés.
Atelier « Enseignement de la langue régionale »
Au préalable de l’examen de cette question, il s’agit de reposer les fondements de notre future politique linguistique dans un contexte de diglossie entre les deux variétés linguistiques de notre langue régionale : Que voulons-nous que les enfants d’Alsace parlent en 2030, 2040, 2050 ?
A partir du moment où nous souhaitons augmenter le pourcentage de locuteurs d’alsacien (allemand d’Alsace) parmi les enfants, nous devons développer l’enseignement immersif en alsacien sur la tranche d’âge 0-5 ans. Et se rappeler qu’aucun territoire au monde n’a su inverser la courbe de locuteurs d’une langue X, sans immersion complète dans cette variété linguistique X sur la période 0-5 ans.
Il s’agit aujourd’hui de se fixer des objectifs de développement de l’immersion complète en alsacien dans le temps et dans l’espace.
Parallèlement, la première urgence est de dissiper une croyance populaire consistant à penser qu’une immersion exclusive en allemand standard serait de nature à favoriser l’augmentation du pourcentage de locuteurs d’alsacien. Trente ans de pratique nous prouvent le contraire. Depuis 1992, des dizaines de milliers d’enfants ont bénéficié de l’enseignement bilingue à parité précoce « français-allemand standard », alors que dans le même temps, le pourcentage d’enfants parlant l’alsacien est passé de 10% à moins de 1% prouvant, comme au Pays de Bade ou d’autres régions allemandes d’ailleurs, que l’enseignement exclusif de l’allemand ne réglait pas la question de la survie du dialecte, qu’il soit alsacien, badois, sarrois ou autre.
Dans ce contexte, la deuxième urgence semble de « déconnecter » le conflit doctrinal relatif à la définition de la langue régionale, de la mise en œuvre qui exige une immersion en alsacien avant de passer à l’allemand standard au CP.
Il est urgent de « renverser la table », en notant que le «·logiciel mental » de la société civile semble toujours coincé au siècle dernier s’agissant des impératifs de reconstruction linguistique. En témoigne le dernier « APPEL : Un avenir pour le bilinguisme en Alsace » de la Fédération Alsace bilingue (FAB) qui non seulement avalise la possibilité d’une immersion totale en allemand standard en maternelle – option contradictoire aux ambitions de sauver l’alsacien – mais aussi de la faiblesse de ses ambitions pour l’alsacien puisqu’après 30 ans d’enseignement bilingue la FAB n’en est toujours qu’à proposer une hypothétique « associations des dialectes à l’enseignement de l’allemand standard dans une méthode qui reste à élaborer »…qui reste à élaborer ! La cohérence linguistique nous invite à généraliser l’immersion en alsacien en maternelle et à nous en tenir avec détermination. Cette méthode « immersive » est connue et n’est plus à élaborer.
S’agissant de la définition Deyon de 1982, qui sous-tend le cadre d’enseignement depuis 1992, c’est moins la rigidité des rapports entre alsacien et allemand qu’elle distille qui pose problème (une langue écrite unique dans une situation de langue polynomique) que le fait qu’elle n’a jamais été appliquée avec sincérité. En effet, la mise en œuvre observée depuis 30 ans laisserait entendre que la définition Deyon serait « la langue régionale d’Alsace, c’est exclusivement l’allemand standard, parlé et écrit ».
Si l’on considère que la définition de la langue régionale c’est l’ensemble des parlers alsaciens dont l’expression écrite est l’allemand standard, il n’y a aucune raison d’imposer la langue écrite dans un espace – la maternelle – exclusivement consacré à la production orale, qui devrait donc concerner les parlers… alsaciens.
D’où notre proposition de travailler à une définition plus inclusive de la langue régionale qui pourra tenir compte des attentes et revendications de tous les acteurs du militantisme linguistique, et des ambitions de produire des locuteurs d’alsacien qui seront de parfaits locuteurs germanophones. L’exemple luxembourgeois, qui est devenu un modèle de trilinguisme français, allemand, allemand du Luxembourg (Luxembourgeois), devrait nous inspirer, tout comme le modèle suisse d’immersion précoce en alémanique.
Au lien suivant : « Alsacien et allemand : Pour une définition plus inclusive de la langue régionale »
Atelier : visibilité de la langue régionale d’Alsace
La clé de la visibilité de la langue est la signalétique bilingue, un pilier de politique linguistique totalement oublié en Alsace. La signalétique bilingue présente l’avantage de donner une indication de la représentation que se font les responsables d’un territoire de leur langue… et cette représentation est désastreuse à la lumière des tailles et styles de caractères très défavorables accordés à l’alsacien sur les plaques de rue.
A fortiori, ce pilier de « signalétique bilingue » est aussi un formidable outil de promotion de la langue et de sa représentation et de « correction » des imperfections de notre « logiciel mental » défavorable s’agissant de la perception de la langue.
Dans ce contexte, nous proposons que l’Alsace se plie aux normes et meilleures pratiques agréées par l’ensemble des territoires français s’agissant du respect de la TAILLE, STYLE et POLICE de caractères identiques entre les langues nationale et régionale. Un appel à bannir tout recours au style italique qui est dans l’administration de la signalétique publique en France, le style consacré et officiel destiné au indications dites « subalternes ». Or, nous n’avons aucun intérêt à persister dans le recours d’un style consacré aux indications « subalternes » pour désigner notre langue régionale, sauf si nous décidons de traiter la langue régionale comme une question « subalterne ».
Enfin, nous proposons, l’objectif d’une généralisation de la signalétique bilingue - taille, style et police de caractères identiques – sur l’ensemble du territoire alsacien d’ici 2030.
C’est un objectif jouable de nature à stimuler positivement la représentation de l’alsacien et, par là, le potentiel futur de mobilisation populaire. La visibilité de la langue doit aussi comprendre son audibilité. Les messageries vocales d’ascenseurs devraient indiquer « ZWEITA STOCK », avant de préciser « DEUXIÈME ETAGE », de même pour les messageries téléphoniques des administrations, et les annonces dans les trains et trams.
Si en 2030, le citoyen lambda alsacien ne pourra plus faire un pas dans l’espace public sans côtoyer l’alsacien visuellement ou auditivement, nous aurons fait un immense pas dans la représentation positive de la langue qui est un fuel de la future mobilisation populaire.
Au-delà de cet objectif de généralisation de la signalétique bilingue 2030, nous proposons une motion qui reprend les plus importants points pour gagner cette bataille de la signalétique.
Cliquez ici pour notre MOTION SIGNALETIQUE
Atelier : Formation des adultes.
La formation et la formation des formateurs en alsacien est la clé du projet immersif et dans l’avènement de jeunes locuteurs complets. Alors que la Bretagne forme chaque années 250 adultes au breton intensif (840 heures en six mois), il semble indispensable de conclure le projet de « Diplôme de compétence linguistique (DCL) » en alsacien lancé en 2018 et qui est la victime d’un nouveau conflit doctrinale sur la définition de la langue régionale.
S’il parait logique en termes de communication d’appeler à former des gens en alsacien pour qu’ils puissent travailler en alsacien (périscolaire), certains estiment qu’une terminologie « allemand dialectal » s’impose. Imaginez un animateur proposer des activités périscolaires en allemand dialectal, une émission de radio en allemand dialectal. Autant expliquer à un f
Français qu’il ne parle pas le français, mais du latin dialectal…
L’avantage financier du DCL est qu’il tire ses financements du secteur de la formation professionnelle et que les apprenants peuvent financer leur formation intensive (840 heures en six mois) en alsacien avec leurs crédits de formation. Nous avons donc là un pilier de la politique linguistique qui ne grèvera pas les budgets « bilinguisme ».
Au-delà du DCL qui concerne des néo-locuteurs ou locuteurs passifs, l'intervention du monde universitaire et notamment de l'Institut de dialectologie sera salutaire.
Atelier : Office public
Là encore nous allons nous heurter à la sempiternelle question de la définition de la langue. Qu’il s’agisse d’un Office public de la langue alsacienne (OPLA), (mais on me dit que la langue alsacienne n’existe pas) ou d’un office public pour l’allemand d’Alsace (OPAA), nous proposons une motion invitant à s’inspirer des évolutions de l'Office Public de la Langue Basque, Groupement d'Intérêt Public (GIP), constitué de 4 partenaires (État, Région, Département et Agglo basque) qui versent chacun 860 000 euros, soit 25% du budget socle de 3,44 millions d’euros. Cette initiative est intéressante, car elle a déclenché un dispositif d’intervention transfrontalière (Basques du Sud) pour appuyer des projets linguistiques.
Voir ici notre MOTION OFFICE PUBLIC
Atelier : Petite enfance et activités périscolaires
Cette question est éminemment liée aux questions de formation. Pour garantir un minimum d’intensité d’immersion au cours de l’année à nos enfants, les activités périscolaires en primaire doivent se passer en alsacien. Ce qui nous amène à la nécessité de former des animateurs en alsacien. Et pour qu’ils puissent être formés en alsacien, il faut qu’il puissent lire et écrire en... alsacien (ORTHAL).
S’agissant des crèches, cette dimension est décisive pour produire des natives speaker alsacien dont les parents ne parlent pas alsacien. A rappeler la nécessité de parler de « crèche bilingue par immersion » et non de crèche immersive en alsacien pour rester subventionnable (CAF).
S’agissant de la crèche, l’association « Sprochpolitik-Langue alsacienne » invite les collectivités alsaciennes à s’associer à sa remise de prix de 10 000 euros destinés à saluer des initiatives novatrices en matière d’immersion en alsacien en crèche. Le premier appel à candidature doit être organisé. Il serait salutaire que la CEA s’y associe en ajoutant peut-être un prix CEA. Nous pensons que des prix à l’immersion seraient de nature à stimuler des initiatives novatrices et des vocations linguistiques.
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